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Imogène sortit de son sommeil comme on descend d'un train après une nuit d'insomnie passée dans un compartiment empli de gens qui préfèrent respirer tous les microbes de la création plutôt que d'entrouvrir la fenêtre. Elle se sentait la langue épaisse, la bouche amère et la migraine lui mettait sur la tête un casque d'un poids insupportable. EUe essava de se remémorer ce Qu'elle avait bu. mais en dehors du thé... Allait-elle tomber malade juste au moment où son fiancé se trouvait là ? A cette idée odieuse, sa vieille énergie se réveilla. Elle sauta du lit, mais tout se mit à tourner autour d'elle et elle faillit s'écrouler sur le plancher. Elle n'osa pas appeler à son secours, sachant qu'Allan arriverait le premier et elle ne tenait pas à paraître dans cet état à ses yeux. En se cramponnant au lit, à la table, au dossier du fauteuil, elle atteignit enfin l'armoire où, dans un tiroir, demeurait en permanence le flacon de whisky qu'on ouvrait en cas de malaise. Imogène le déboucha et, portant le goulot à ses lèvres, en but une longue rasade qui, sur le moment, lui donna la sensation qu'elle s'était abreuvée à un flot de lave en fusion, mais dans l'instant qui suivit, l'emplit d'un bien-être merveilleux. Cher vieux scotch... Attendrie, elle contemplait le flacon salvateur et eut envie de chanter le chant de Robert Bruce. A la réflexion, elle se dit qu'elle risquait de réveiller Allan, qui ne priserait peut-être pas ce genre d'exercice matinal.

Un silence total régnait dans la maison. Ses hôtes devaient dormir. Imogène s'apprêtait à se recoucher lorsqu'elle éprouva une impression bizarre, difficile à définir. Il lui parut qu'il y avait quelque chose d'anormal dans son petit univers familier. Elle s'interrogea pour essayer de deviner la nature de cette anomalie^et, soudain, elle se rendit compte que le silence de la maison ne cadrait pas avec la lumière du jour. Agitée par une vague inquiétude, ellejprit sa montrç et, incrédule, la porta à son oreille. Le tic-tac régulier indiquait qu'elle faisait parfaitement son métier de montre et, pourtant, elle marquait 11 heures et demie ! Jamais encore Imogène n'était restée si longtemps au lit ! Que devaient penser Allan et Nancy ? Mais comment se faisait-il qu'elle ne les entendît point aller et venir ?

Honteuse dune paresse étrangère à ses habitudes, Imogène se hâta d'enfiler sa robe de chambre et, glissant hors de la pièce avec d'infinies précautions, elle se coula sans bruit jusqu'à la salle de bains où elle s'enferma avec un soupir de soulagement. Malgré l'heure tardive, elle mit plus de temps que de coutume à sa toilette, car elle tenait à paraître devant son fiancé avec le maximum d'éclat. Le visage quelque peu fripé que la glace lui renvoyait l'épouvanta parce qu'en surimpression elle voyait la figure jeune et nette d'Allan. Décidément, il lui fallait s'avouer qu elle commençait mal sa journée, si tant est qu'on pouvait commencer une journée à midi... Lorsqu'elle fut prête, qu'elle eut passé la robe qu'elle jugeait la plus seyante, elle alla frapper à la chambre de Nancy. N'obtenant pas de réponse, elle entra pour constater qu'il n'y avait personne. Il en était de même dans la pièce occupée par Cimningham. Elle fit quelques pas dans le jardin et appela :

— A... Uan ? Nan... cy ?

Mais sa voix se perdit dans l'air léger sans que le moindre écho lui parvînt en retour. Intriguée, elle gagna la cuisine. Vraisemblablement, la sachant endormie et ne voulant pas la tirer d'un repos bienfaisant après toutes les émotions accumulées au cours des derniers jours, Nancy et Allan étaient partis se promener. Ils avaient sagement agi et, pour se punir de sa trop grasse matinée, miss McCartheiy se condamna à cuisiner un excellent repas qui serait la meilleure des surprises pour les promeneurs et pour elle la plus aimable des excuses. Son livre de recettes à portée de la main, Imogène se lança dans la confection d'une importante tarte aux prunes, qu'elle se promit de servir après un bubble and squeak1et une épaule de mouton que Mr Hatchmory, le boucher, lui avait livrée à domicile. Tout cela composait bien un déjeuner un peu lourd mais les estomacs écossais ne se laissent pas arrêter par des détails de cette sorte. Lorsque, le front ruisselant de sueur, les cheveux en désordre, Imogène en eut terminé, elle s'aperçut qu'il était près de 14 heures et que pas plus Allan que Nancy n'avaient donné signe de vie. Dès lors, elle commença à s'inquiéter. Elle leur accorda une demi-heure de grâce, sans plus se préoccuper de sa tarte qui se calcinait, de l'épaule de mouton qui se desséchait et du bubble and squeak devenu un magma informe. Maintenant, elle était certaine qu'on avait attaqué Allan pour lui voler les documents. Elle n'aurait jamais dû accepter ce que lui proposait Nancy ! Mais Nancy elle-même ? Honteuse, elle se rendit compte qu'elle ne pensait pas au sort de la pauvre Nancy... A 15 h 15, elle se résolut à une démarche qui lui coûtait beaucoup, mais elle ne se croyait pas le droit de tergiverser plus longtemps avec la vérité...

Il ne restait plus que vingt-quatre heures à Archibald McClostaugh pour expédier la solution du problème d'échecs du Tintes. Une fois encore, ayant rangé ses pions sur leurs cases respectives, il méditait, le cerveau congestionné. Tyler entra pour lui annoncer que miss McCarthery désirait lui parler. Archie sursauta, comme piqué par un serpent.

   Ah ! non ! non î Samuel insista.

   Elle n'a pas son air habituel...

   Ah!

   Elle semble éteinte... anéantie...

   Pas possible !

D'un geste désespéré, McClostaugh montra l'échiquier.

  Tout se ligue contre moi pour m'empêcher de résoudre ce problème !

Alors, ce niais de lyier, ce pauvre constable de rien du tout, prit un cavalier blanc, puis un fou de la même couleur, avança deux pièces noires et déclara :

  Voilà, chief, les « noirs » sont mat en trois coups... Je fais entrer miss McCarthery ?

Mais, les yeux exorbités, Archie se trouvait dans l'incapacité absolue de répondre. Samuel décida de voir dans ce silence un acquiescement et s'en alla chercher Imogène. Ce fut eue qui rendit ses esprits au chief-constable. En la voyant devant lui, ce dernier grogna :

   Vous revoilà !

   McClostaugh... on ne vous a pas signalé la découverte de cadavres, ce matin ?

Ne vous fâchez pas, Imogène!: Chewing-gum et spaghetti ; Les blondes et papa ; Vous souvenez-vous de Paco ?
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